La saga alimentaire : De Lucy à Mac Do

Intervenant : Louis Monnier

Ensuite, il y a eu l'histoire de la maladie de Creutzfeld Jakob secondaire au traitement par hormone de croissance. Puis dans les années 86, ont commencé à se développer en Angleterre des encéphalopathies qui étaient des encéphalopathies spongiformes semble-t-il transmises par le bétail, et en particulier par la consommation de bovins (d'où le nom d'encéphalopathie spongiforme bovine). C'est quelque chose qui a toujours existé. Il y a un bruit de fond sporadique des encéphalopathies spongiformes. En Angleterre par exemple, il y a un bruit de fond de l'ordre de 60 à 80 encéphalopathies spongiformes par an, qui sont des encéphalopathies sporadiques dont on ne connaît pas la cause. Mais entre les années 95 et 2000, il y a eu une croissance de ces encéphalopathies, le quart environ (ce n'est pas beaucoup, environ 20 cas par an) était attribué à la consommation de bétail – le bétail étant contaminé par des agents semble-t-il infectieux qu'on avait mal individualisés, qui ont ensuite été décrits par un autre prix Nobel, Stanley Prusiner, et qu'on a décrit sous le terme de « prion ».
Puis on s'est rendu compte que ces encéphalopathies spongiformes bovines étaient transmises en fait à l'animal par des farines animales qui elles-mêmes provenaient de carcasses d'animaux. Donc on nourrissait des animaux avec des carcasses d'autres animaux – des herbivores avec des produits d'origine animale, ce qui n'est pas classique. Et dans ces carcasses, il y avait ces fameux prions, qui étaient d'abord transmis à la vache, et ensuite à l'homme. Que s'est-il passé alors ? On ne savait pas ce qui allait se passer à l'époque, parce qu'on voyait cette maladie qui montait progressivement, les estimations basses étaient à peu près 1000 cas par an, les estimations très fortes à cette époque étaient de 100 000 cas par an, les estimations moyennes étaient d'à peu près 3 000 cas par an pour une maladie qui était mortelle. Quelle décision a été prise ? Les scientifiques ont pris d'abord la décision de dire que c'était une maladie transmissible et extrêmement dangereuse, et les politiques ont pris le décision de supprimer les farines animales dans l'alimentation du bétail, et ensuite de faire abattre une grande partie du cheptel anglais, puisqu'environ 700 000 vaches ont été abattues en Angleterre. Heureusement cette mesure qui a été liée pour une fois à une bonne collaboration entre les politiques et les scientifiques, a permis d'enrayer cette maladie qui était une maladie mortelle, et actuellement, on ne parle plus de l'encéphalopathie spongiforme bovine.